Le progressisme “mains propres et tête haute”
“The problem is not left-wing theories or censorious scolds. It is instead the rise of an insular, nationalistic, right-wing discourse driven by a belligerent style of press coverage.”
Cet éditorial du New York Times se désole de voir le débat public français s’américaniser, avec la force prise par la pensée réactionnaire, complotiste, nihiliste.
Il est édifiant de l’état de la “bataille culturelle” en France, aux Etats-Unis et dans un paquet de pays occidentaux : le “camp du Bien” ne fera pas son examen de conscience ; il n’est ni responsable, ni coupable de rien.
Il se dit “progressiste”, se définissant donc comme représentant le progrès, renvoyant donc à la régression ceux qui ne pensent pas comme lui… Mais, bien sûr, c’est lui, et lui seul, qui définit ce qui est humaniste (pensée pourtant censée être fondée sur le postulat de l’égale dignité de chaque homme…) et qui, seul, ce qui a de la valeur morale ou pas.
Il se pose en Dieu, un Dieu qui n’aurait aucune responsabilité dans ce qui arrive dans sa création : si le débat public, la “bataille culturelle”, devient si binaire et polarisé, si la pensée réactionnaire, complotiste, nihiliste, prend tant d’ampleur, il n’y est pour rien. La pauvreté du match de la pensée politique, c’est la faute de l’adversaire !
Super.
Le regain d’attractivité de la pensée et des instincts réacs n’a donc rien d’une réaction à la domination culturelle d’un “progressisme” hors-sol, où les winners de la mondialisation (“people from anywhere”) donnent non stop ses leçons de morale à un peuple condamné à garder les pieds sur terre, à l’intérieur de ses frontières (“people from somewhere”), abandonné dans une mondialisation qui donne son boulot aux Chinois et qui, demain, le donnera à des robots…
Le débat public s’éloigne des media “mainstream”, qui définissent le politiquement correct, pour aller dans les caniveaux du web…mais ces media qui disent le Bien, ils n’y sont pour rien.
Ne changez rien, belles âmes ! Gardez les mains propres et la tête haute, drapez-vous de votre fierté d’être “le progrès” face à la régression… Vos adversaires réactionnaires continueront de grimper sur vos têtes pour bouffer le peuple… Mais votre conscience restera bonne.
Et si les gentils, qui ne veulent pas de la guerre de tous contre tous et ne se résignent pas à un “c’était mieux avant” qui ne voit de beauté que dans le rétroviseur, commençaient par s’appliquer à eux-mêmes leurs propres valeurs cardinales, et se mettaient à considérer l’Autre, ses émotions, ses sentiments, sa pensée et ses actions, comme dignes de respect, au lieu de le renvoyer à la barbarie, au Mal, à l’inhumanité ?
Au fond, le peuple (dont 99% d’entre-nous sont !) a d’abord besoin de se sentir exister, entendu, de compter. On a tous envie et besoin, de sentir qu’on compte, n’est-ce pas ?
Surtout à l’ère de réseaux sociaux qui donnent l’illusion à chacun qu’il peut avoir du pouvoir…
…Pouvoir sur un monde sur lequel 99% d’entre-nous savent qu’ils n’ont pas prise…
Les gens ont besoin de bisous, avant tout. C’est ça l’écologie. Alors, au lieu de nous désoler de l’attrait des réacs, attrayons-nous les uns les autres.
Peace and love not dead.
